La peinture à la période Art déco, une quête d’élégance graphique

Ah, l’Art déco… Géométrie sophistiquée, motifs répétitifs et couleurs vibrantes qui nous ramènent aux années folles. Cette période évoque des meubles laqués, des immeubles iconiques comme le Chrysler Building, des affiches de mode chic. Mais la peinture, elle aussi, a indiscutablement été influencée par ce mouvement. Comment l'Art déco a-t-il révolutionné les toiles ? Quels artistes ont émergés sous son égide ? Plongée dans une époque où l’art et le glamour faisait bon ménage.

1/23/20256 min read

Les années Art déco, période d’effervescence

Avant de parler peinture, posons le décor. L’Art déco débute dans les années 1910 et atteint son apogée dans les années 1920-1930. C’est l’enfant résolument moderne de la Belle Époque. Il naît dans un monde qui se relève de la Première Guerre mondiale, un monde avide de nouveautés, de modernité, de progrès et d’élégance. C’est le règne des formes stylisées, des lignes régulières, des matériaux sophistiqués et des couleurs riches. Les arts décoratifs explosent – architecture, design, mobilier – et la peinture dans son sillage.

Comment l’Art déco a influencé la peinture

Si la peinture Art déco n’est pas un courant homogène, elle a été marquée par quelques éléments caractéristiques : une stylisation poussée, une esthétique géométrique et une recherche de raffinement. Les artistes conjuguent le beau et le fonctionnel, influencés par l’essor de l’industrie et les nouvelles technologies. On observe une simplification des formes humaines et animales, souvent proches de l’abstraction, mais toujours avec une volonté de lisibilité et de dynamisme.

L’Art déco en peinture se caractérise également par son amour des matériaux luxueux, des tonalités sophistiquées. Les peintres explorent des palettes riches, oscillant entre des tons métalliques (or, argent, bronze) et des couleurs vibrantes (bleus cobalt, rouges grenat, verts émeraude). Ainsi, c’est également une période d’innovation pour les arts graphiques, d’exploration audacieuse des matériaux et des techniques, offrant ainsi aux artistes des moyens novateurs pour exprimer leur créativité. L’utilisation des feuilles d’or, d’argent ou de bronze a notamment connu un essor spectaculaire. Ces métaux précieux, appliqués sur la toile ou intégrés à des fresques murales, conféraient aux œuvres une luminosité unique et un aspect luxueux, évoquant à la fois la richesse des arts anciens et la modernité de l’époque.

En outre, les artistes ont exploré de nouveaux supports et mélanges, notamment l’intégration de laques, de vernis et de peintures industrielles. Ces matériaux permettaient de créer des surfaces brillantes, lisses et résistantes, tout en rendant les couleurs plus vibrantes et profondes. Par exemple, des peintres-décorateurs comme Jean Dunand ou Gaston André ont souvent utilisé ces techniques dans des panneaux décoratifs ou des paravents, réalisant ainsi des pièces à la fois picturales et fonctionnelles.

D’autres innovations incluaient l’emploi de pochoirs pour répéter des motifs complexes avec précision, répondant à l’esthétique géométrique et régulière de l’Art déco. Enfin, en cet âge d’or des colonies, certains artistes adoptent des pigments exotiques et des techniques artisanales issues de cultures non occidentales, comme les influences japonaises ou africaines, afin d’ajouter une touche d’exotisme et d’originalité à leurs œuvres.

Les mouvements picturaux à l’ère de l’Art déco

Plusieurs mouvements picturaux se sont développés en parallèle de l’Art déco ou ont été influencés par lui. Voici les plus marquants :

Le cubisme tardif

Le cubisme, initié par Picasso et Braque, avait déjà révolutionné la peinture avant l’ère Art déco. Mais dans les années 1920, son influence persiste, notamment chez des artistes comme Fernand Léger. Les formes se simplifient encore davantage, avec une prédilection pour les compositions architecturales et les thèmes modernes, comme la mécanisation et les cités industrielles.

Le purisme

Initié par Le Corbusier et Amédée Ozenfant, le purisme prône une représentation claire et ordonnée des objets. Les peintures puristes reflètent une approche épurée, presque mathématique, où les objets du quotidien sont sublimés dans leur simplicité géométrique.

Le symbolisme décoratif

Certains artistes Art déco, comme Tamara de Lempicka, empruntent au symbolisme une sensualité et une sophistication particulières. Les portraits de Lempicka, par exemple, mêlent élégance aristocratique et audace moderne, avec des lignes fluides et des éclairages théâtraux, souvent inspirés des couvertures de magazine de mode de l’époque et d’une évolution de l’art photographique.

L’influence de l’école de Paris

Cette école informelle regroupe des artistes étrangers installés à Paris, comme Marc Chagall ou Moïse Kisling, qui intègrent parfois des motifs Art déco dans leurs compositions. On y trouve une fusion de traditions picturales européennes et de modernité.

L’art animalier dans la peinture Art déco

Un des aspects fascinants de la peinture Art déco est son approche de l’art animalier. Les animaux, souvent stylisés et représentés avec une précision graphique, occupent une place importante dans les compositions de l’époque. Cette tendance reflète une fascination pour la nature, mais aussi pour l’exotisme, qui était en vogue dans les années 1920 et 1930, faisant suite à la période Art Nouveau.

Les artistes de la période Art déco ont souvent choisi de représenter des animaux emblématiques tels que les panthères, les zèbres, les cerfs ou encore les oiseaux de proie. Ces créatures étaient stylisées avec des lignes fluides, des formes géométriques et des couleurs riches, révélant un mélange d’élégance et de puissance.

Paul Jouve, artiste emblématique de cette période, excelle dans les représentations animales – notamment des félins et des chevaux – dont beaucoup sont devenues des icônes de l’Art déco. Jean Dunand, lui, intègre souvent des motifs animaliers dans ses panneaux laqués, montrant comment l’art animalier pouvait franchir les frontières entre peinture et arts décoratifs.

L’art animalier Art déco incarne un équilibre parfait entre l’abstraction et le naturalisme. Chaque ligne semble calculée pour capturer l’essence du mouvement et de la grâce animale, tout en restant fidèle à l’esthétique générale du mouvement.

Les artistes emblématiques de la peinture Art déco

Tamara de Lempicka, l’icone

Star incontestée du glamour de l’Art déco, Lempicka a capturé l’esprit des années 1920 avec ses portraits stylisés et ses scènes de vie mondaine. Ses œuvres, reconnaissables par leurs contours nets et leurs couleurs franches, célèbrent une modernité élégante. Ses personnages féminins, souvent alanguis dans des poses théâtrales, incarnent un idéal de beauté sophistiquée.

Jean Dupas : l’élégance monumentale

Jean Dupas, connu pour ses fresques et panneaux décoratifs, représente un autre pan de l’Art déco pictural. Ses œuvres mêlent figures humaines stylisées, motifs géométriques complexes et références à la mythologie. Ses panneaux réalisés pour le paquebot Normandie restent parmi les chefs-d’œuvre de l’Art déco monumental.

Paul Jouve et l’exotisme animalier

Pionnier de l’art animalier Art déco, Paul Jouve a su capturer la puissance et l’élégance des animaux exotiques dans des compositions à la fois réalistes et stylisées. Ses félins majestueux et ses chevaux fougueux, souvent représentés sur fond de paysages épurés, incarnent parfaitement l’esthétique de l’époque.

André Édouard Marty : l’illustration raffinée

Illustrateur talentueux, André Édouard Marty a marqué l’Art déco par ses compositions délicates et ses figures féminines gracieuses. Ses œuvres, souvent publiées dans des magazines comme Harper’s Bazaar, reflètent une attention particulière aux détails et un sens aigu de la mode.

Gaston André : le peintre et décorateur aux multiples talents

Gaston André, moins connu du grand public, a joué un rôle notable dans l’esthétique Art déco. Peintre et décorateur, il excellait dans la création de fresques murales et de compositions élégantes mêlant figures humaines et motifs géométriques. Son travail, souvent commandé pour des intérieurs somptueux, témoigne d’un talent pour intégrer l’art pictural aux décors architecturaux. Sa capacité à marier les lignes épurées à des palettes de couleurs riches en fait un représentant marquant de cette époque.

Peinture et arts décoratifs : une frontière floue

L’un des aspects fascinants de l’Art déco est la porosité entre les disciplines. La peinture de cette époque s’inspire largement des arts décoratifs, et inversement. Les panneaux muraux, les fresques et même les toiles destinées à la décoration intérieure reflètent une esthétique commune, où lignes géométriques, motifs répétés et couleurs raffinées s’entrelacent.

Des artistes comme Jean Dunand, Pierre Legrain ou encore Gaston André ont brouillé les frontières entre peinture et design en intégrant des éléments picturaux dans des objets utilitaires, tels que des paravents ou des meubles. Cette fusion témoigne d’une volonté de rendre l’art accessible et intégré à la vie quotidienne, un idéal profondément enraciné dans le mouvement Art déco.

L’héritage de l’Art déco dans la peinture

Que reste-t-il de l’Art déco dans la peinture contemporaine ? Si le mouvement a progressivement cédé la place à l’Art moderne et aux avant-gardes de l’après-guerre, son influence persiste. On retrouve l’amour des formes épurées, des couleurs vibrantes et des compositions graphiques dans des styles variés, de l’art publicitaire au design graphique actuel.

L’Art déco a également laissé une empreinte indélébile sur la manière dont nous percevons la relation entre art et fonctionnalité. En valorisant la beauté dans le quotidien, il a ouvert la voie à une conception plus démocratique et plus intégrée de l’art, qui continue d’inspirer artistes et designers du monde entier.

Plus qu’un simple mouvement esthétique, l’Art déco en peinture témoigne de l’esprit d’une époque, où l’élégance, l’audace et l’innovation se conjuguent pour créer une beauté intemporelle.