L'Art moderne se la joue de la famille : des classiques aux cubistes, qui est qui ? Un essai d’arbre généalogique des principaux mouvements artistiques modernes.
Dans la grande famille de l'art moderne, chacun joue sa palette et tout le monde s’emmêle les pinceaux. Des classiques académiques aux farfelus fauves en passant par les diaboliques impressionnistes. Démystifions tout ça avec un arbre généalogique où l'art moderne se décline en parents sentencieux et cousins excentriques. Et comme le disais Oscar Wilde, « La famille n'est jamais qu'un assemblage de gens ennuyeux, qui n'ont pas la moindre idée de la façon dont il faut vivre, et pas le moindre instinct du moment où il faudrait mourir. » Sans doute assez vrai pour notre grande famille de l’Art Moderne.
Héloïse Romantica, follement éprise, épouse Alexandre Classicus et donne naissance à l’Art Moderne.
Le classicisme selon Alexandre
Le grand-père, c’est Alexandre Classicus. Pas un plaisantin, Alexandre. Imaginez un homme élégant à la posture droite et noble. Limite coincé. Son visage respire le sérieux et le calme. La stabilité, la rigueur, l’ordre dans la famille, c’est lui. Et quand même, c’était mieux avant… Quand l’Art n’était qu’harmonie et équilibre. Les compositions ordonnées, les lignes claires, les proportions idéales, les formes lisibles. Son dada ? L'Antiquité gréco-romaine et la mythologie
Le romantisme selon Héloïse
Héloïse Romantica épouse Classicus, la grand-mère, est plus fantasque. Une femme aux longs cheveux longs ondulés, vêtue de vêtements fluides et colorés. Son regard, intense et passionné, exprime toute sa passion pour Alexandre dont elle est follement éprise. Elle ne vit que pour ses émotions et leur expression, quitte à s’inventer une vie. Et un rien égocentrée avec ça… Parfois, Alexandre se dit qu’elle a une araignée au plafond sa Héloïse. Mais ce n’est pas une mauvaise femme, elle sait rester correcte et tenir son rang. Elle aime la peinture à son image. Celle qui met en avant l'émotion, l'imagination et l'expression de l’artiste. Ah ! La nature sauvage et pittoresque ! Les paysages grandioses ! Les scènes de la vie quotidienne sublimées ! Elle veut qu’on la transcende Héloïse. De l'évasion, du sublime, des couleurs vibrantes, des contrastes dramatiques. Mais ça ne l’empêche pas de faire deux enfants, Victor-Academik et Camilla-Impresión.
Victor-Akademik reprend le flambeau mais Camilla- Impresión rue dans les brancards
L’académisme selon Victor-Akademik
Victor-Akademik, le fils, c’est le portrait de son père, en pire. Il rigole quand il se brûle. Austère, le costume formel, la barbe entretenue. Toujours sérieux et concentré. L’art aussi, c’est sérieux pour lui. Et ça s’apprend avec les anciens. Il reprend le leitmotiv de son père : c’était mieux avant. Les traditions, les institutions, les valeurs, il faut tout sauver. Quitte à éduquer un peu les artistes avant qu’ils ne deviennent des hippies. Pendant longtemps, il a partagé les goûts artistiques de son père. Maintenant, il fait du zèle. Il conspue tout ce qui sort d’un iota des règles et de la norme établie. Il aime l’art qui reproduit le savoir-faire des ainés. Que la technique soit parfaitement maîtrisée, l’anatomie scrupuleusement respectée. Les compositions rigoureuses, les perspectives impeccables. Du soin, du détail. Et qu’on représente des sujets dignes d’intérêt : l’histoire, la mythologie, la religion, quitte à idéaliser un peu tout ça. Même son père trouve qu’il va un peu trop loin. Parfois, quand même, une touche de créativité et d’audace, ça ne nuit pas à la peinture !
L’impressionnisme selon Camilla- Impresión
La fille, c’est pas la même limonade. Camilla- Impresión qu’elle s’appelle (un hommage d’Héloïse à une arrière-grand-tante ibérique qu’elle n’a jamais connue. Sombreros et mantilles). Et elle, elle donne du fil à retordre. Sa mère conserve une certaine indulgence envers ses excentricités, mais son père a vraiment du mal. Une insolente, une frondeuse, toujours rebelle. Son premier mot prononcé, c’était « Non ». Il faut la voir, attifée comme l’as de pique « parce que c’est plus confortable et plus pratique en plein air ». En revanche, toujours de bonne humeur, pleine de vie, de sourire, de spontanéité. Tant qu’elle est à la campagne. Dans les salons en ville, ça se passe moins bien… Et avec son père aussi. Il aime la peinture classique ? Elle la trouve laborieuse et ne jure que par la peinture spontanée, intuitive… Capter l’instant, la fugacité des lumières naturelles, des mouvements, des atmosphères. Elle admire les coups de pinceaux rapides. Les touches fragmentées, les tâches. Tout ce que déteste son père. Il veut de la mythologie ? Elle s’extasie devant les sujets de la vie quotidienne, les paysages urbains, les champs et les étangs…
Le symbolisme, queue de comète. Le postimpressionnisme, porte d’entrée vers tous les possibles.
Pour fuir son père, Camilla- Impresión s’est mariée tôt (à un journaliste, au grand dam de son père). Elle a eu deux enfants. Le choix du Roi : Henri et Ophélie.
Le postimpressionnisme selon Henri
Les chiens ne font pas des chats. Henri tient de sa mère. « Post- impresión » qu’elle l’appelle pour rigoler. Lui aussi, un casse-cou qui ne peut rien faire comme tout le monde. Et une dégaine… Des vêtements excentriques, des bijoux, des accessoires. Il s’intéresse à tout, il explore, il innove. Toujours à observer, à épier, à chercher, à expérimenter. Même sa mère, il la trouve un peu vieux jeu quand elle parle de peinture… Qu’elle ne sait que se répéter, alors qu’il y a tant à inventer. Il faut explorer de nouvelles voies, toujours. Diversifier les styles, les approches, ne jamais s’auto-parodier. D’accord, la lumière, la couleur, c’est important mais il faut aussi représenter les émotions, les sentiments. S’exprimer, pas représenter le réel. « L’art n’est que subjectivité » répète-t-il toujours. Sa mère répond « OK, OK », mais pas bien sûr qu’elle comprenne ce qu’il veut dire.
Le symbolisme selon Ophélie
La fille, c’est Ophélie Symbolo. Elle a épousé un Espagnol (encore un hommage à… ?). Elle, c’est plutôt à sa grand-mère Héloïse qu’elle ressemble. Elle non plus n’est pas toute seule dans sa tête. Elle erre dans sa maison, mystérieuse et énigmatique, vêtue de robes longues et sombres ornées de motifs dont elle seule et sa couturière connaissent la signification cachée. Limite gothique la meuf. Son regard est languide, profond et introspectif. Les mystères de l'âme humaine et de l'inconscient la fascine. Sa grand-mère ? Trop mondaine. Sa mère ? Trop terre-à-terre. Alors elle s’isole… Elle se passionne pour l'inconscient, le rêve, les symboles. En peinture, elle admire les motifs allégoriques, les symboles ésotériques qu’elle sait décrypter, les métaphores poétiques. Il faut que ce soit mystique, religieux, mythologique, existentiel, philosophique… Qu’on pénètre des atmosphère énigmatique, onirique, sombres… Cette terre n’est qu’un passage.
La génération suivante : Otto et Pablo sont dans un bateau (lavoir).
Entre deux messes noires et trois séances de spiritisme, Ophélie a trouvé le temps de faire deux fils : Otto et Pablo.
Le fauvisme selon Otto
Le premier, Otto, est un peu sauvage, mais plein d’audace. Sa mère, toujours un peu perchée, y voir la réincarnation d’une panthère noire des forêts de Java. Elle l’appellera rapidement Fauve-Otto. Sur un cha-cha-cha, il va vite la fatiguer : il est audacieux, exubérant, s’habille de couleurs flashy mélangées aléatoirement. En art, il aime les tableaux pleins de vie, d’énergie, qui respirent la liberté et la spontanéité. C’est pas la réalité qu’on représente, c’est l’effet qu’elle a sur nous. On ne prend même pas le temps de mélanger les couleurs, on les utilise telles quelles. Plus elles sont vives, mieux c’est. Ça change des camaïeux de presque-noir de que sa mère affectionne. Laissons la nature à la nature, et les couleurs à l’art. Et puis on simplifie les formes, on les déforme, on va à l’essentiel. Une bouteille reste une bouteille, ça se reconnait. Quand elle parle d’art avec lui, sa mère a la nausée… C’est vraiment pas comme ça qu’elle l’avait élevé.
Le cubisme selon Pablo
Pablo, le second, un garçon réfléchi, analytique, passionné de géométrie passe un peu au second plan. Il faudra qu’il se fasse un surnom tout seul, celui-là. En attendant, il dépiaute. Il décompose, il déconstruit. Façon puzzle. Mais s’il a l’air équilibré, avec ses vêtements simples et fonctionnels, sa façon de scruter et d’analyser son environnement, il s’avère être un rien barré lui-aussi. Sa mère se demande bien ce qu’elle a pu faire à Astaroth pour mériter ça. Il est intelligent, imaginatif, ça c’est sûr… mais quand on parle d’Art avec lui… Vouloir représenter la réalité en une accumulation de formes géométriques planes, réinventée sous différents angles en même temps ! Les objets, les figures, il les fragmente pour révéler leur essence géométrique. Il parle de « concept ». Il s’intéresse à la façon de représenter le temps, l’espace, le mouvement. « D’où ça lui vient des idées pareilles ! » se demande sa mère, avant de retourner se recueillir dans la chapelle qu’elle a aménagé dans un buffet commandé sur-mesure à Louis Majorelle, un ami de son frère. Un autel en mémoire… d’une arrière-grand-tante espagnole qu’elle n’a jamais connu mais dont elle toujours senti la présence à ses côtés. A les entendre ces gosses, c’est Henri, leur oncle, qui avait raison… L’Art n’est que subjectivité.
On a un peu de mal à reconstituer le reste de l’arbre généalogique pour arriver jusqu’à nous. C’est encore en cours, mais des pistes sont à l’étude. Des descendants plus ou moins directs d’Alexandre et Héloïse semblent s’être, de façon assez amusante, mariés chacun avec l’un des frères Néo. Les famille Néo-Classico, Néo-Romantica et Néo-Impresión seraient leurs héritiers putatifs. A vérifier. Par ailleurs, nous tentons encore de démêler les liens de parenté avec les familles Abstrait et Conceptuel… ils sont probables mais demeurent un rien flou.
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