Burt Hasen et la 10ᵉ Rue de New York

Burt Hasen, un artiste littéralement hors normes

Né en 1921, Burt Hasen a évolué dans ce climat créatif avec une vision artistique profondément personnelle, tout en s'inscrivant dans le cercle des artistes de la 10ᵉ rue à New York, un collectif novateur qui a contribué à promouvoir l'identité de l'art américain moderne.

Dès son plus jeune âge, il montre un intérêt exprimé pour les arts visuels, qui le mène à poursuivre des études à l'Art Students League (1940-1942) ainsi qu’à Paris, pendant deux ans, à l'Académie de la Grande-Chaumière. Son parcours académique lui permet de maîtriser des techniques classiques tout en développant une approche très personnelle.

Grandissant dans une Amérique marquée par les tumultes de la Grande Dépression et de la Seconde Guerre mondiale, Hasen est influencé par le contexte social et politique de son époque. Il évolue dans une société en mutation, cherchant à concilier tradition et modernité pour refléter un monde en pleine transformation. Ces réflexions nourrissent son art et lui permettent de s'interroger sur les notions de mémoire, de perception et de temporalité, des thèmes qu'il aborde en profondeur.

Pendant la Seconde Guerre mondiale, il sert dans l'armée de l'air dans le Pacifique Sud. À son retour à New York, il devient membre actif de la 10th Street Scene. Dans les années 1950 et au début des années 1960, entre le déclin de l’expressionnisme abstrait et la canonisation du Pop Art et du Minimalisme, de jeunes artistes décident d’ignorer les galeries du centre-ville et ouvrent des coopératives d’artistes et des espaces alternatifs, sur ou près de la East 10th Street dans l’East Village. Plus ouverte à l’expérimentation et aux femmes que les galeries des marchands d’art, la « 10th Street Scene » accueille ainsi la formation d’installations et de happenings, les premières lueurs du Pop Art et du Minimalisme, ainsi que la persistance de la figuration picturale.

À partir des années 1950, Hasen développe un style unique qui mêle abstraction et éléments biomorphiques, créant des compositions qui semblent inspirées par des cartes géographiques ou des paysages psychiques. Il s'éloigne des représentations réalistes pour créer des « cartes mentales » qui explorent la psyché humaine, le souvenir et la résonance émotionnelle. Il parvient à capturer une réflexion intérieure et une recherche de signification plus universelle.

L'art de Burt Hasen, une cartographie de l'inconscient

L'œuvre de Hasen se caractérise par un style d'abstraction biomorphique. Ses peintures, souvent peuplées de formes organiques qui évoquent des cellules, des planètes, ou des éléments naturels, créent des paysages mentaux où chaque toile devient un espace à explorer. Il utilise souvent des couleurs terreuses – bruns, ocres, verts profonds – qui rappellent la matière brute et évoquent une sensation de sédimentation.

Dans les compositions de Hasen, l'absence de perspectives classiques confère aux œuvres une qualité presque méditative. Les formes semblent flotter dans un espace indéfini, créant une profondeur visuelle qui invite le spectateur à entrer dans l'œuvre et à s'y perdre. Cette spatialité floue et ces compositions suggestives offrent une expérience introspective, chaque tableau devenant une invitation à la contemplation et à l'exploration de soi.

L'utilisation de la texture est également une caractéristique centrale dans le travail de Hasen. Par des couches de peinture savamment appliquées, il crée une sensation de tridimensionnalité qui semble donner vie aux formes biomorphiques. Cette manière de travailler la matière fait écho à l'idée que chaque œuvre est le résultat d'un processus introspectif et qu'elle conserve les traces de l'évolution psychique de l'artiste. En ce sens, les œuvres de Hasen peuvent être vues comme des « palimpsestes » où chaque couche de peinture correspond à une étape de son parcours.

Le groupe de la 10ᵉ rue : une petite révolution artistique à New York

Dans les années 1950, le quartier de l'East Village à New York, et plus particulièrement la 10ᵉ rue, est devenu le foyer d'une communauté artistique qui influence durablement le développement de l'art contemporain aux États-Unis. Cette rue était le centre d'une scène artistique dynamique où les artistes cherchaient à se libérer des institutions traditionnelles et à créer des formes d'expression radicalement nouvelles. Ce collectif comprenait des figures majeures de l'expressionnisme abstrait et de l'avant-garde américaine, telles que Willem de Kooning, Franz Kline et Robert Motherwell, qui partageaient une vision commune de l'art en tant que forme d'exploration personnelle et de contestation des couvents

Burt Hasen a rejoint ce groupe novateur, trouvant dans cette communauté un espace d'expérimentation où il pouvait travailler sans les contraintes imposées par le marché de l'art traditionnel. Les galeries alternatives de la 10ᵉ rue (Tanager Gallery, Galerie Hansa…), souvent gérées comme des coopératives autogérées, ont permis à des artistes comme Hasen d'exposer leurs œuvres dans un cadre qui privilégiait l'authenticité et la recherche artistique. Ces galeries alternatives, telles que,

C'est dans ce contexte que Hasen a développé un style qui mêlait abstraction et intimité, s'inscrivant dans la révolution artistique de la 10ᵉ rue sans pour autant se plier aux canons de l'expressionnisme abstrait ou des mouvements dominants. Cette liberté créative a permis à Hasen de suivre une voie unique, où son travail pouvait évoluer de manière avancée.

Les œuvres majeures de Burt Hasen

Les œuvres les plus marquantes de Hasen présentent un dialogue fascinant entre abstraction et représentation. Dans ses séries des années 1960 et 1970, il développe une technique qui évoque des cartographies imaginaires, des vues aériennes de paysages intérieurs. Ces compositions intrigantes, composées de formes biomorphiques et de lignes sinueuses, offrent au spectateur une sorte de carte mentale ou psychologique, une invitation à naviguer dans un espace intérieur riche et com.

Les formes organiques répétées confèrent aux œuvres de Hasen une qualité méditative. Le spectateur est entraîné dans un flux visuel qui suggère des vagues de souvenirs et d'émotions, comme si chaque toile capturait un instantané de la psyché de l'artiste. Ces œuvres deviennent ainsi des miroirs de l'inconscient, offrant une réflexion sur la nature changeante et insaisissable de l'expé.

L'héritage de Burt Hasen et l'importance de la 10ᵉ rue dans l'art américain

Bien que Burt Hasen n'ait pas atteint la notoriété de certains de ses contemporains, son œuvre demeure marquante par son originalité et sa profondeur. Il incarne l'esprit de la 10ᵉ rue, où l'art n'était pas seulement un produit à vendre, mais une recherche existentielle. Ce collectif d'artistes a contribué à transformer New York en capitale mondiale de l'art moderne, offrant une alternative au marché de l'art institutionnalisé et préféré.

La 10ᵉ rue a laissé un héritage durable dans l'art américain, et les œuvres de Hasen continuent de résonner pour leur capacité à traduire visuellement l'invisible et à explorer la complexité de l'esprit humain. Dans une époque où l'art contemporain se nourrit souvent de références conceptuelles, les œuvres de Hasen se distinguent par leur sincérité et leur capacité à capturer l'essence de l'époque.

Burt Hasen incarne une voie unique dans le monde de l'art abstrait, celle d'un artiste qui, sans chercher la célébrité, a créé un univers visuel profondément personnel et introspectif. En explorant des thèmes tels que la mémoire et le temps, il s'est rapproché des préoccupations fondamentales de l'expérience humaine. Le groupe de la 10ᵉ rue représente un tournant majeur pour l'art moderne, une période de liberté artistique et d'innovation qui continue d'inspirer de nouvelles générations.

La richesse des œuvres de Hasen, sa maîtrise de la texture et de la forme, ainsi que sa vision personnelle de l'art en font une figure incontournable de cette époque. La 10ᵉ rue, bien qu'aujourd'hui éloigné des projecteurs, reste un foyer de la créativité libre et de l'indépendance créative.

En 1994, élu à la National Academy of Design et en 2000, il remporte le prix d'art de l'American Academy of Arts and Letters. Professeur à la School of Visual Arts de 1954 à 2000, son travail a fait l’objet d’une exposition rétrospective en 2003 au Southeast Missouri Regional Museum.

Il figure dans de nombreuses collections importantes, parmi lesquelles la Smithsonian Institution, la Library of Congress de Washington, la National Academy of Design de New York et le British Museum. Plusieurs galeries New-Yorkaises proposent aujourd’hui son travail : la RoGalerie, la galerie Anita Shapolsky, la galerie Susan Teller.

La Galerie du Pollet propose à la vente un dessin de Burt Hasen, daté de 1961.