Les 100 ans de l’Art déco, âge d’or de la peinture décorative

L’Art déco souffle ses cent bougies. Pas une simple chandelle nostalgique sur un gâteau trop sucré, mais l’anniversaire d’un mouvement qui a voulu conjuguer luxe et modernité, géométrie et sensualité, marqueterie et machine. Le magazine BeauxArts retrace en détail ce centenaire à travers les expositions et manifestations consacrées à cette période et à ce style synonyme d’élégance, de sophistication et de modernité.

9/27/20252 min read

Art déco, art total

L’Art déco n’est pas tombé du ciel en 1925. Il a trouvé son acte de baptême lors de l’Exposition internationale des Arts décoratifs et industriels modernes à Paris. Dans sa volonté de rupture avec un Art nouveau jugé trop organique, il s’est nourri des matériaux industriels, du goût pour la vitesse et de l’idée folle que toutes les disciplines pouvaient dialoguer. Architecture, mobilier, graphisme, mode, peinture : tout se tient.

La peinture, justement, n’y est pas simple tableau isolé mais élément d’un décor. Elle sort du cadre, investit murs, cloisons, panneaux, verrières, paquebots, grands magasins. Les ensembles de Jean Dupas pour le Normandie ou les laques de Jean Dunand en témoignent : œuvres monumentales et décor à la fois, art immersif et quotidien.

Gaston André, peintre-décorateur

C’est dans cette veine que s’inscrit le travail de Gaston André, peintre et décorateur discret mais essentiel de la période. Son art se glisse sur le parchemin comme sur les murs, mêlant rigueur graphique et lyrisme naturaliste. Ses panneaux décoratifs, tel celui représentant des oiseaux en plein combat d’élégance aquatique, traduisent parfaitement l’esprit Art déco : naturalisme stylisé, sens de la mise en scène et continuité avec l’espace environnant. On est à la fois dans l’étude zoologique et dans le théâtre décoratif. Gaston André, par son geste, rappelle que la peinture Art déco n’est pas là pour être regardée seule, mais pour participer à une atmosphère, à une dramaturgie de l’espace.

La toile, miroir brisé de la modernité

En 1925, la peinture européenne porte encore les stigmates de la guerre. Le cubisme persiste comme une fragrance obstinée ; Fernand Léger transforme les corps en pistons mécaniques, Le Corbusier peint ses carafes comme des architectures miniatures. Le temps est aussi au retour à l’ordre : Picasso sculpte des figures monumentales, De Chirico propose ses perspectives métaphysiques, droites et silencieuses comme un décor de cinéma. Le motif, partout, devient langage commun : zigzags, chevrons, éventails et aplats colorés — tout est affaire de clarté et de simplification.

Le cas Tamara

Difficile de ne pas convoquer Tamara de Lempicka, figure archétypale du glamour Art déco : portraits glacés, femmes en drapés cubico-érotisés aussi mécaniques que sensuelles, surfaces polies comme des carrosseries de Bugatti. Avec elle, la peinture rejoint la mode : séduire instantanément, briller, incarner la modernité.

Art Déco et air du temps

L’Art déco en peinture n’a pas fondé d’école officielle, mais il a contaminé le regard. Les chevalets se sont alignés malgré eux sur les buffets, les portraits de Lempicka répondent aux façades de Mallet-Stevens, les natures mortes puristes font écho aux luminaires de Lalique. En 1925, ce fut moins la naissance d’un style qu’une synchronisation générale : comme si un télégramme avait été envoyé à toute la scène artistique européenne : “Foin des volutes. Faites droit. Faites clair. Faites moderne.”