L'Art Animalier, un témoin de la longue relation qui unit l’homme et l’animal

Au-delà de la représentation esthétique des animaux, l'art animalier, en immortalisant la faune sous toutes ses formes offre également un miroir révélateur du statut des animaux dans la société à travers les époques. La représentation de l’animal concerne toutes les civilisations et tous les supports (os, mosaïque, métal, pierre, parchemin, etc.) depuis l’origine de l’art. Cette omniprésence, au-delà d’une utilisation très variée de l’iconographie animale, qui varie selon les lieux et les époques, s’explique par sa forte charge symbolique : la proximité de l’homme et de l’animal est à la fois source de fascination et d’effroi.

7/3/20246 min read

L’art animalier, aussi ancien que l’art

L'art animalier trouve ses racines à la préhistoire, avec notamment les peintures rupestres de Lascaux en France ou d'Altamira en Espagne. Les peintures rupestres de la grotte Nerja (Andalousie), découvertes plus récemment, ont 42 000 ans. L'image de l’animal est exploitée dans un but narratif, pour raconter des histoires ou transmettre des connaissances. Mais ces représentations jouent également avec une signification symbolique et spirituelle, mêlant respect et crainte vis-à-vis de la nature.

Dès l'Antiquité, les Égyptiens excellent dans la représentation des animaux, associés à leurs dieux et à leurs mythes. Les animaux, vénérés, étaient considérés comme des incarnations divines. Les majestueuses sculptures de sphinx et les bas-reliefs des temples égyptiens sont des exemples parfaits de cette sacralisation. Plus tard, au Moyen Âge, les animaux se font plus symboliques, souvent intégrés dans les enluminures des manuscrits religieux. Chaque animal a sa signification : le lion représente le courage, l'agneau l'innocence. Dans cette période, l'animal est à la fois une créature divine et un outil pédagogique pour illustrer les vertus morales et les préceptes religieux.

À la Renaissance, l'art animalier s'intègre dans les œuvres plus larges des artistes. Léonard de Vinci, par exemple, était passionné par l'anatomie animale. Ses croquis de chevaux et autres animaux montrent une grande précision scientifique, reflétant l'intérêt croissant pour la nature et la science. Les animaux commencent à être vus comme des sujets dignes d'étude pour leur valeur intrinsèque.

Pendant la période baroque, les animaux deviennent des acteurs dans les scènes de chasse et les natures mortes. Le Caravage ou Rubens, entre autres, ont magnifiquement peint des scènes où la faune joue un rôle crucial, reflétant l'importance de la chasse comme activité noble et symbolisant le pouvoir et la domination de l'homme sur la nature.

Le XIXème, apogée de l’art animalier

Le XIXème siècle voit l'essor du romantisme, où les artistes cherchent à exprimer les émotions et la nature dans toute sa splendeur. Les animaux deviennent des symboles de la nature sauvage et de la liberté. Eugène Delacroix, par exemple, est célèbre pour ses lions et ses chevaux fougueux. À cette époque, l'animal est perçu comme une incarnation de la force brute et de la beauté naturelle, contrastant avec la civilisation humaine.

Le réalisme, avec des artistes comme Gustave Courbet, met l'accent sur la représentation fidèle du monde. Les animaux sont peints avec une précision presque photographique. Rosa Bonheur, une des plus célèbres artistes animalières de l’époque, est connue pour ses peintures et sculptures de chevaux et de bétail. Ici, l'animal est vu à travers le prisme du quotidien et de la réalité rurale, soulignant son rôle économique et utilitaire dans la société.

L'art animalier peut être interprété de multiples façons. Pour certains, il célèbre la beauté et la diversité de la nature. Pour d'autres, c'est une réflexion sur la relation entre l'homme et l'animal, sur la domestication, la chasse, ou la conservation. Les animaux peuvent aussi être les métaphores de traits humains, comme la bravoure du lion ou la ruse du renard. Les œuvres révèlent souvent comment les sociétés perçoivent et valorisent les animaux, qu'ils soient vénérés, exploités ou idéalisés.

Au XIXème siècle, l'art animalier atteint son apogée. Des artistes comme Antoine-Louis Barye en sculpture et Rosa Bonheur en peinture deviennent des figures majeures. Barye est célèbre pour ses sculptures dynamiques de lions, tigres et autres animaux exotiques, tandis que Bonheur capture la majesté des chevaux avec une incroyable précision.

Rosa Bonheur est sans doute l'une des artistes animalières les plus célèbres du XIXème siècle. Née en 1822, elle est surtout connue pour ses grandes peintures représentant des animaux, en particulier des chevaux et des bœufs. Son œuvre la plus célèbre, "Le Marché aux chevaux", est une véritable épopée animalière, capturant avec un réalisme saisissant le mouvement et la puissance des chevaux. À travers son travail, Bonheur exprime un profond respect pour les animaux, les présentant comme des êtres dignes de dignité et de compassion.

Cette époque marque un intérêt accru pour l'étude scientifique des animaux, ainsi qu'une fascination pour l'exotisme et la nature sauvage. Antoine-Louis Barye, né en 1795, est un sculpteur français renommé pour ses sculptures d'animaux. Ses œuvres se caractérisent par une grande attention aux détails anatomiques et une expressivité intense. Parmi ses œuvres les plus célèbres, on trouve "Le Lion au serpent" et "Jaguar dévorant un lièvre". Barye, avec ses sculptures dynamiques, explore la puissance brute et la beauté sauvage des animaux, reflétant une époque fascinée par l'exotisme et la nature indomptée.

En Allemagne, Franz Marc, membre du mouvement expressionniste allemand, est connu pour ses peintures vibrantes d'animaux. Ses œuvres, comme "Les grands chevaux bleus", utilisent des couleurs intenses et des formes stylisées pour évoquer une connexion spirituelle avec la nature. Marc, à travers ses œuvres, cherche à représenter les animaux comme des êtres doués d'une spiritualité propre, en réponse à une société de plus en plus industrialisée et éloignée de la nature.

Le XXème siècle voit une diversification des styles et des approches. Le cubisme, avec Pablo Picasso, réinterprète les formes animales de manière abstraite. Bien que Picasso soit surtout connu pour ses contributions au cubisme et à d'autres mouvements d'avant-garde, il a également exploré l'art animalier. Ses représentations d'animaux sont souvent stylisées et abstraites, comme ses célèbres dessins de taureaux, où il décompose la forme de l'animal en éléments géométriques simples. Ces œuvres reflètent une époque où l'art commence à questionner les formes traditionnelles et à expérimenter de nouvelles façons de voir le monde.

Les animaux ne sont plus seulement des sujets de représentation réaliste mais deviennent des éléments de réflexion sur la forme et l'espace. Le surréalisme, avec Salvador Dalí, utilise des images d'animaux pour créer des scènes oniriques et troublantes. Parallèlement, le mouvement pour les droits des animaux commence à influencer l'art, avec des œuvres qui questionnent l'exploitation et le traitement des animaux.

Un art animalier toujours très présent

Aujourd’hui, l'art animalier continue d'évoluer. Il reflète souvent des préoccupations contemporaines telles que la protection de l'environnement et les droits des animaux. Les artistes comme Damien Hirst et Jeff Koons réinterprètent les formes animales de façon controversée. Hirst, par exemple, utilise des animaux dans ses installations pour provoquer des réflexions sur la mortalité et la nature éphémère de la vie, tandis que Koons joue sur la banalité et la consommation de l'image animale.

L'art contemporain voit également une montée en puissance des œuvres hyperréalistes et engagées sur les questions environnementales. Des artistes comme Walton Ford peignent des animaux avec une précision photographique tout en intégrant des éléments narratifs complexes qui commentent l'histoire de l'interaction humaine avec la faune. Ford, par exemple, critique souvent l'impact destructeur de l'homme sur la nature, reflétant une conscience environnementale accrue.

D'autres artistes, comme Damien Hirst, utilisent les animaux de manière plus conceptuelle. Hirst est célèbre pour ses installations de requins, veaux et autres animaux préservés dans du formol, des œuvres qui suscitent souvent des débats sur l'éthique et la nature de l'art. Ces œuvres contemporaines invitent à réfléchir sur notre relation actuelle avec les animaux et la nature, dans un contexte de crise écologique mondiale.

Toutefois, l’utilisation transgressive de l’animal au-delà de ce qu’elle dénonce (exploitation, clonage, fétichisme, réification…) interroge sur l’éthique de la démarche artistique. ON se souvient ainsi de la polémique suscitée par les cochons tatoués de Wim Delvoye exposés en 2010 au Musée d'Art Moderne et Contemporain de Nice (Mamac).

L'art animalier a parcouru un long chemin depuis les peintures rupestres jusqu'aux installations contemporaines. Il a su s'adapter et évoluer avec les mouvements artistiques, tout en conservant une place particulière dans le cœur des artistes et du public. À travers les siècles, l'art animalier a reflété et influencé la perception et le statut des animaux dans la société, passant de créatures vénérées et mythiques à des symboles de beauté, de puissance, d’utilité et, aujourd'hui, de préoccupation environnementale.

Que ce soit pour célébrer la beauté de la faune, pour réfléchir à notre relation avec les animaux, ou simplement pour le plaisir de capturer la vie sauvage sur toile ou en sculpture, l'art animalier continue de fasciner et d'inspirer. L'art animalier n'est pas seulement une représentation de la faune, c'est une fenêtre ouverte sur notre propre humanité et notre place dans le monde naturel.

Si nous avons éveillé votre intérêt pour l’animalier, faites donc un petit tour dans notre galerie pour découvrir par exemple ce chat dénichant des oiseaux du XIXème, ce marcassin plus vrai que nature ou ces très paisibles brebis.